Une très jeune femme, Marie, fille de commerçant aime un jeune garçon de son âge et de sa classe, Stolzius. Tout semble organisé parfaitement pour que commerce et amour s’unissent dans un simple et prolifique mariage. Mais bientôt Marie chavire, elle abandonne l’amour du jeune et laborieux drapier pour celui d’un capitaine en garnison à Armentières, qui sait trouver les mots et les jeux qui touchent son corps d’enfant. Il lui promet une vie autre et il l’emmène au théâtre - lieu de la métamorphose, de la connaissance, de l’émancipation, du plaisir, du regard et de l’exhibition. Mais après avoir offert quelques pacotilles, écrit quelques mots d’amour, et laissé son empreinte sur le corps de Marie, il l’abandonne pour retourner à son oisiveté d’homme riche. Ne change pas de classe sociale qui veut. Il fuit celle qui lui a cédé, fort de cette sentence toute gravée, comme toutes ces phrases proférées par le choeur des soldats « une putain sera toujours une putain ». Alors la jeune fille se soumet au désir d’un commandant, puis d’un capitaine, est abandonnée à un domestique militaire, une ordonnance, qui dans l’ombre de la caserne la viole. Offerte aux jeux d’une meute de loups, d’une bande de soldats, Marie est la victime sacrificielle de la frustration sexuelle de tout un groupe d’hommes. Elle achève sa brève course, sur une route le long d’une rivière, la Lys, le corps en lambeaux. Et son père qui l’a vendue pour le prix d’un beau rêve d’ascension sociale, ne reconnaît plus le corps de son enfant sous la neige.
Anne-Laure Liégeois